Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome I.djvu/81

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législative, Napoléon devint grave, sévère dans sa tenue, et peu communicatif. L’armée d’Italie fut encore une époque pour son caractère. Son extrême jeunesse, quand il en vint prendre le commandement, demandait une grande réserve et la dernière sévérité de mœurs : « C’était nécessaire, indispensable, disait-il, pour pouvoir commander à des hommes tellement au-dessus de moi par leur âge : aussi ma conduite y fut-elle irréprochable, exemplaire. Je me montrais une espèce de Caton ; je le dus paraître à tous les yeux, et j’étais en effet un philosophe, un sage. » C’est avec ce caractère qu’il s’est présenté sur la scène du monde.

Napoléon se trouvait en garnison à Valence au moment où commença la révolution, et bientôt on attacha une importance spéciale à faire émigrer les officiers d’artillerie : ceux-ci, de leur côté, étaient fort divisés d’opinions. Napoléon, tout aux idées du jour, avec l’instinct des grandes choses et la passion de la gloire nationale, prit le parti de la révolution, et son exemple influa sur la grande majorité du régiment. Il fut très chaud patriote sous l’Assemblée constituante ; mais la législative devint une époque nouvelle pour ses idées et ses opinions.

Il se trouvait à Paris le 21 juin 1792, et fut témoin, sur la terrasse de l’eau, des rassemblements tumultueux des faubourgs, qui, traversant le jardin des Tuileries, forcèrent le palais. Il n’y avait que six mille hommes : c’était une foule sans ordre, dénotant par les propos et les vêtements tout ce que la populace a de plus commun et de plus abject.