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Page:Lasserre - La Morale de Nietzsche.djvu/38

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PIERRE LASSERRE

en elle-même peut, en tous temps, inspirer à la réflexion. De là, la nuance sombre, languissante, désolée, qu’a pris chez elles le sentiment religieux chrétien, qui n’est normalement appelé qu’à consoler l’homme des insuffisances générales de la vie terrestre, mais qui se mêlait ici au sentiment aigu et plus immédiat des maux particuliers à un siècle et à une certaine phase de l’état social.

La maladie moderne a communiqué sa couleur au christianisme moderne. Le besoin chrétien est apparu lié à une oppression intérieure, à une déficience de la santé morale naturelle. Il est apparu solidaire des états romantiques de la sensibilité. Mais, pour tirer de ces apparences un jugement général sur la nature du christianisme et en conclure qu’il porte en soi quelque chose de morbide, il a fallu généraliser de la manière la plus illégitime des caractères tout accidentels ; il a fallu oublier qu’il avait été la religion puissante et non discutée d’époques dont les hommes supérieurs, et, comme on dit, « représentatifs », se distinguèrent par tous les signes d’une santé vigoureuse et d’un esprit fleurissant.

Imaginons toutes ces causes de confusion agissant sur un esprit particulièrement disposé et placé pour y céder. Imaginons une jeune nature