Page:Laveleye - Les Nibelungen.djvu/241

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se dirigea vers l’autre rive ; mais son angoisse était grande. Quand il ne put plus nager, la main de Dieu le soutint et enfin il aborda vivant sur le sable de l’autre bord.

Il se releva, le pauvre prêtre, et secoua ses habits. Hagene reconnut à cela qu’il n’y avait pas à éviter le sort qu’avaient prédit les sauvages femmes des eaux. Il se dit : — « Tous ces guerriers doivent perdre la vie. »

Quand ils eurent déchargé la barque et emporté tout ce que les vaillants hommes des trois rois y avaient mis. Hagene la brisa en pièces qu’il jeta dans les flots. Les bons et valeureux guerriers s’en étonnèrent grandement.

« Pourquoi faites-vous cela, frère, dit Dancwart ; comment passerons-nous le fleuve, quand nous reviendrons chevauchant de chez les Hiunen vers les pays du Rhin ? » Hagene lui dit plus tard qu’ils n’y retourneraient plus.

Mais en ce moment le héros de Troneje répondit : — « Je le fais de crainte que nous n’ayons quelque lâche avec nous, qui voudrait s’enfuir poussé par la crainte. Celui-là trouvera dans le fleuve une mort honteuse. »

Quand le chapelain du roi vit Hagene briser le navire, il lui adressa de nouveau la parole de l’autre rive : — « Assassin sans loyauté, que vous ai-je fait pour que vous vouliez ainsi me noyer, moi, innocent de tout crime ? »

Hagene lui répondit : — « Laissons-là ces discours. Sur ma foi, il me peine fort que vous vous soyez aujourd’hui échappé de mes mains. Je le dis sans moquerie. » Le pauvre chapelain reprit : — « Certes, j’en remercie Dieu.

« Je vous crains peu, soyez-en sûr. Cheminez vers les Hiunen, moi je repasse le Rhin. Que Dieu ne vous permette plus de revoir le Rhin, voilà ce que je désire ardemment, car vous m’avez presque enlevé la vie. »