Page:Laveleye - Les Nibelungen.djvu/326

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nant par la main ma femme et ma fille. Plutôt perdre la vie que de renoncer à ma loyauté. Oui, j’ai mal fait de prendre votre or rouge. »

Le roi Etzel parla : — « Qui donc viendra à mon secours ! Eh bien, Ruedigêr, venge-moi de mes ennemis et je te donnerai un royaume avec ceux qui l’habitent. Roi puissant, tu marcheras à côté d’Etzel. »

Mais Ruedigêr répondit : — « Comment m’engager dans ce combat ? Je les ai invités à entrer sous mon toit ; je leur ai offert amicalement le boire et le manger et je leur ai donné mes présents : puis-je contribuer à leur mort ?

« On croira peut-être que je manque décourage ; mais jamais je n’ai refusé aucun service à ces très nobles princes ou à leurs hommes. Aussi je me repens de l’alliance que j’ai conclue avec eux.

« J’ai donné ma fille à Gîselher, le bon chevalier. Elle ne pouvait en ce monde être mieux mariée sous le rapport des vertus et de l’honneur, de la loyauté et de la richesse. Jamais je ne vis roi animé de si beaux sentiments. »

Alors Kriemhilt prit la parole : — « Très noble Ruedigêr, ayez pitié de nos afflictions à tous deux, au roi et à moi. Pensez bien à ceci, que jamais souverain ne reçut des hôtes qui leur firent autant de mal. »

Le margrave répondit à la noble femme — « Aujourd’hui Ruedigêr doit payer de sa vie le bien que vous et son seigneur lui avez fait. C’est pourquoi il me faut mourir ; cela ne peut durer davantage.

« Je sais qu’en ce jour mes burgs et mes domaines perdront leur maître par la main de ces étrangers ; je recommande à votre bonté ma femme et mon enfant, et les nombreux exilés qui sont à Bechelâren. »