Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/14

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désertes à cette heure. Songeur, il modéra le pas et se représenta, avec la netteté qu’on a des choses lorsqu’on est sur le point de les quitter, les années paisibles, quoique un peu difficiles, qu’il avait vécu à Peyras, avant et depuis son mariage.

Sept ans auparavant, il débarquait, par un tiède et pareil jour d’automne, dans cette cité déchue et calme, mais qui garde un certain grand air de son passé historique et du temps où les états de la province y siégeaient, où un prince du sang y résidait.

Puis un petit café, devant lequel il passait, lui rappela les relations, rapidement établies, qu’il eut, le lendemain même de son arrivée, avec une bande de jeunes gens, camarades du fils du patron, et qui, chaque soir, se réunissaient là, avant de partir pour des randonnées nocturnes tapageuses, à travers les quartiers tranquillement endormis de la villette. C’est en la compagnie de Marcel, le fils du cafetier, un jeune homme âgé alors de vingt ans et mort l’année dernière, qu’il avait connu Louise, sa femme aujourd’hui. Il était à Peyras depuis une quinzaine de jours. L’après-midi d’un dimanche, il accompagnait son nouveau camarade, dans une promenade sur les bords du fleuve. Là, rencontre prévue et peut-être arrangée par Marcel, ils avaient trouvé deux jeunes filles, l’une Rosette, déjà la bonne amie de Marcel, l’autre Louise. Presque aussitôt, Rosette et Marcel s’enlaçaient et se perdaient entre les roseaux chanteurs et les saules dorés du rivage, les laissant, Louise et lui, en tête à tête. D’abord gênés ët ne sachant que se dire, ils avaient vite surmonté leur timidité réciproque et pris gaiement leur parti de la situation. Cinq minutes après, assis sur l’herbe roussie d’un talus, à l’ombre d’un frêne, vêtu d’or clair, ils causaient comme de bons amis. Lui remarquait que Louise était bien jolie, malgré sa taille menue. Son pâle visage d’anémique,