Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/24

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tariat de la mairie me rapportera bien trois ou quatre cents francs. Avec ça, on peut vivre dans un village. Tout y est bon marché. Ensuite, tu sais, il y a le tour du bâton : les cadeaux affluent, avec ces gens-là, lorsqu’ils tuent leur cochon, entrent leurs récoltes, etc., etc… Va, Louison, nous y serons aussi bien si ce n’est mieux qu’ici où tout est horriblement cher…

Louise parut rassérénée. Elle souriait maintenant aux paroles de son mari.

— Mais, — objecta-t-elle, — ça va nous coûter beaucoup, le déménagement, et tu sais qu’il ne nous reste pas grand’chose, ce mois-ci !…

— Bah ! — affirma-t-il, — pas plus d’une soixantaine de francs… Mes collègues sont garçons… je me ferai prêter cinquante francs par l’un d’eux… Une fois à Maleval, je demanderai une indemnité et on rendra l’argent… Tu vois bien que tu avais tort de désespérer, puisque tout peut s’arranger admirablement…

N’ayant jamais été déplacé, depuis son mariage, et insouciant, du reste, Coste ignorait réellement que l’instituteur, pour si modique que soit sa bourse, ne reçoit aucune indemnité de déplacement, ce qui est injuste et ce qui cause bien des tracas à la plupart d’entre eux. Son ignorance, d’ailleurs, était d ? autant plus explicable que le Conseil général avait, pendant les années précédentes, voté une somme à cet effet, crédit supprimé justement cette année-là pour raisons d’économie, car c’est toujours sur l’argent des petits qu’on économise d’abord. Bien que le regret de partir persistât encore chez elle, Louise, rassurée, fit taire son chagrin.

— Le mieux est de se préparer vite, — fit Jean. — Tu n’auras pas ainsi le temps de te manger les sangs, comme tu dis… Une fois là-bas, tu t’acclimateras promptement et tu seras heureuse… Je cours prévenir tes parents et les prier