Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/119

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Voilà qui fixe un premier point essentiel, à savoir le choix du sujet.

Dorénavant Wagner n’acceptera plus de lui-même des sujets camme Rienzi, qui est historique, comme le Vaisseau fantôme, qui n’est que légendaire ; il gravira les degrés du Montsalvat ou ceux, tout aussi mystérieux, du Walhalla, et se maintiendra à des hauteurs où la raison et le raisonnement n’ont plus le droit d’intervenir. Là, en effet, l’émotion et la musique régnent en maîtresses souveraines, et la fantaisie peut à l’aise prendre son essor.

Cette question du choix des sujets a donc une importance capitale, et le drame wagnérien ne peut se mouvoir que dans les régions du mysticisme, du surnaturel, de la mythologie, ou de la pure fable, comme dans Tristan et Iseult. Il ne dérogera pas à cette loi en traitant le sujet des Maîtres Chanteurs, qui sous son apparence légère recèle un vrai drame de sacrifice et d’abnégation, lequel drame se déroule à l’intérieur de l’esprit de Sachs, et par cela appartient au domaine émotionnel musical.

On voit donc déjà ici que le musicien, par cette conception même, est indissolublement lié au dramaturge, et qu’il serait inutile, oiseux même, de chercher à établir une priorité en faveur de l’un ou de l’autre, puisque en vérité ils ne font qu’un et qu’il n’en peut être autrement.

La précision de la parole et l’accent plus pénétrant des sonorités musicales lui paraissaient tous deux également nécessaires à l’expression de sa vaste pensée, qu’un seul de ces deux moyens eût été impuissant à exprimer dans son étendue, comme dans toute sa splendeur. Il faut aussi y adjoindre la mimique, le jeu de scène ; car Wagner, contrairement à ses devanciers allemands, essentiellement symphonistes, a pour objectif unique le théâtre. Il n’écrivait ses poèmes qu’en vue de les mettre lui-même