Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/156

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Tristan de paraître devant elle ; depuis le commencement de la traversée il l’évite avec persistance, oubliant ainsi tous les égards qu’il doit à sa souveraine. Brangaine porte l’ordre de sa maîtresse au chevalier, qui, profondément troublé en entendant prononcer le nom d’Iseult, se remet cependant, mais refuse, avec respect et fermeté, de quitter le gouvernail du navire confié à sa garde.

Scène iii. — Brangaine vient rapporter à sa maîtresse la réponse du chevalier, et Iseult, se laissant alors aller à toute son amertume, révèle à sa compagne une partie de son secret, lui raconte les soins empressés qu’elle donna jadis à Tristan, qui l’a si mal récompensée de sa pitié envers lui. Cachant la vraie cause de sa douleur, elle se révolte à l’idée de devenir l’épouse du prince de Cornouailles, qu’elle juge indigne de sa gloire, à elle dont la couronne d’Irlande a ceint le front. Brangaine cherche en vain à la calmer et à justifier la conduite de Tristan, qui a, selon elle, brillamment payé sa dette de reconnaissance en lui faisant don d’un royaume aussi beau que celui de Cornouailles. Iseult reste pensive et, se parlant à elle-même, déplore d’être condamnée au supplice de vivre toujours près d’un être accompli auquel elle ne saurait inspirer d’amour. C’est à Tristan qu’elle pense ; mais Brangaine, se méprenant sur le sens de ses paroles, l’engage, si elle craint de n’être pas assez aimée du roi Marke, à avoir recours aux philtres merveilleux que sa mère, la reine d’Irlande, lui a remis à son départ. Il en est un qui soumet infailliblement ceux qui le boivent à la puissance de l’amour. Iseult accueille avec une sombre résolution le conseil de sa suivante et se fait apporter par elle le précieux coffret contenant les breuvages magiques. Mais ce n’est pas le philtre amoureux qu’elle choisit ; il lui en faut un plus puissant encore, et elle s’empare du