Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/210

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absorbée dans ses pensées, va chercher dans une armoire des épices quelle mêle au breuvage de son maître, puis, en s’éloignant, elle jette un long et tendre regard à l’étranger et semble lui indiquer le tronc du frêne où se trouve fichée l’épée. Hunding, surprenant ce regard, lui enjoint de rentrer dans son appartement, où on l’entend s’enfermer avec elle.

Scène iii. — La scène n’est plus éclairée que par le feu mourant dans l’âtre, qui, en s’écroulant, projette sa lumière sur la poignée de l’arme et la fait scintiller dans l’ombre. Le guerrier, sans l’apercevoir, se demande avec inquiétude s’il trouvera jamais le glaive promis jadis par son père pour le défendre dans la détresse suprême : puis ses pensées prennent un autre cours : il se souvient avec ravissement de la beauté de Sieglinde et du sentiment profond qu’elle a fait naître en son cœur : le rayon qui éclaire cet arbre, est-ce le regard de la bien-aimée qui l’a allumé ?… Mais le feu séteint, la nuit devient presque totale, et Sieglinde, vêtue de blanc, sortant avec précaution de sa chambre, s’avance doucement vers son hôte.

Elle a versé à son époux un breuvage assoupissant, afin de pouvoir s’entretenir avec celui dont la vue ravit son âme. Elle lui révèle que le jour de ses tristes noces avec Hunding, à qui des brigands l’avaient vendue, un vieillard drapé dans un ample manteau et coiffe d’un large chapeau cachant un de ses yeux, est entré dans cette chaumière, causant l’effroi à tous, sauf à elle, qui sentait en ce vieillard un protecteur et a reconnu en lui les traits d’un père chéri. Enfonçant jusqu’à la garde une épée dans le tronc du frêne, il a promis que cet acier appartiendrait au héros qui pourrait l’arracher de sa gaine vivante. Aucun n’a pu jusqu’ici triompher, malgré des efforts renouvelés ; mais Sieglinde pressent que le vainqueur sera l’ami que