Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/296

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moderne, avec l’emploi très fréquent de l’accord de 5te augmentée et ses renversements, qu’on trouve déjà chez Schumann, avec un luxe extraordinaire de pédales, souvent déguisées, et un mépris évident des contraintes conventionnelles.

D’ensemble, il est incontestable que ce système n’est pas simple, mais ses complications sont toujours ingénieuses et appropriées aux circonstances. Elles ne sont d’ailleurs pas continuelles ; il suffirait de citer le motif du Walhalla (l’Or du Rhin, au début de la scène II), entièrement construit en accords parfaits ; d’autres exemples ne sont pas rares ; toutefois c’est l’exception.

La conduite des modulations, au point de vue purement musical, ne paraît pas importer beaucoup à Wagner, et en cela il se sépare nettement de Beethoven et de Bach ; le choix des tonalités n’est guidé chez lui que par l’intérêt dramatique et des considérations du domaine de l’orchestration ; une fois l’action engagée, la modulation est perpétuelle, et, en bien des endroits, le plus malin serait dans l’impossibilité de dire en quel ton on est ; il en résulte une impression de vie et de lutte d’une inconcevable puissance. En revanche, au début des actes, on le voit attacher fréquemment une importance extraordinaire à l’établissement de la tonalité première, importance sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir.

La cadence parfaite est d’une extrême rareté, ce qui est la conséquence inévitable du système de la mélodie continue ; en effet, le sens de la cadence parfaite est la conclusion, l’achèvement ; or, toutes les phrases de Wagner s’enchaînant les unes aux autres sans se terminer à chaque instant, la cadence doit être presque exclusivement réservée aux fins d’actes ou parfois de scènes, là où le repos est obligatoire ; on en rencontre bien par-ci par-là