Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/303

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de préparer l’esprit du spectateur, de le placer dans l’état d’âme que l’auteur juge le plus convenable pour qu’il subisse dans sa plénitude l’impression des faits qui vont faire l’objet de l’acte suivant. Ce but peut être poursuivi au moins de quatre façons différentes :

1° Par simple apaisement, c’est-à-dire dégageant seulement l’esprit des préoccupations extérieures, en y amenant un calme complet, afin qu’il devienne malléable et facilement accessible aux moindres émotions ;

2° Par le rappel de faits précédents que le spectateur a pu perdre de vue pendant l’entr’acte, et dont le souvenir lui est nécessaire pour la parfaite intelligence de ce qui va suivre ;

3° Inversement, par des emprunts faits à l’avance à l’acte suivant, pour préparer l’auditeur aux événements qui vont se dérouler ; en ce cas, l’action commence en quelque sorte pendant le prélude ;

4° En plongeant l’esprit dans le vague, en excitant là curiosité et en captivant l’attention par des harmonies indécises, des sonorités étranges, des modulations imprévues, incohérentes même, ne laissant rien pressentir de ce qui va se passer ; c’est la forme la plus troublante, celle qui prépare le mieux aux émotions poignantes.

Selon les circonstances, Wagner emploie toutes ces formes ; ne pouvant multiplier les exemples, j’en donnerai un seulement de chacune, laissant au lecteur le soin de compléter.

1re  forme : apaisement : l’Or du Rhin.
2e forme : rappel de motifs : 3e acte de Siegfried.
3e forme : annonce de motifs : 2e acte de Lohengrin.
4e forme : vague : 3e acte de Parsifal.

Toutefois, la troisième forme, et ensuite la deuxième, sont de beaucoup les plus fréquentes.