Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/552

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à des appointements ; tous reçoivent une simple indemnité, à peine égale à leurs frais de séjour ; parfois même ils l’ont refusée ; on leur rembourse leur dépense de voyage, et ils sont logés chez l’habitant par les soins de l’administration ; ils repartent, les représentations terminées, sans avoir réalisé aucun bénéfice, car ils n’étaient pas venus pour cela. Le bonheur de collaborer à la grande œuvre, de participer à une grandiose manifestation du beau, leur suffit ; ce sont des Prêtres de l’Art, des artistes dans le sens le plus pur et le plus élevé du mot, et, sauf de rares exceptions, des artistes religieux et convaincus de la hauteur de leur mission.

Pour le chanteur qu’on entend à Paris, à Munich, à Bruxelles ou ailleurs, le plus grand compositeur sera toujours celui qui lui a valu les plus nombreux succès ; le meilleur ouvrage, celui dans lequel il a le plus beau rôle ; il ne sépare pas la cause de l’art de celle du métier, vise avant tout à plaire au public et à se faire confier un rôle important et sympathique, afin de pouvoir ambitionner par la suite un engagement plus avantageux, et finalement s’enrichir. Mais le jour où il vient à Bayreuth, toute idée de lucre a été par avance écartée : c’est un pèlerinage qu’il accomplit, et dès lors toute sa volonté, toute son intelligence, ne tendront plus qu’à une pieuse interprétation de l’œuvre, en laissant de côté les mesquineries et les jalousies de coulisses. Son seul but désormais sera de s’efforcer à rendre aussi fidèlement qu’il est en son pouvoir la part de pensée qui lui est confiée, sans chercher à y introduire d’autres effets que ceux qui y sont contenus, en se conformant respectueusement à la lettre écrite et à la tradition encore vivante dans l’esprit et dans la mémoire des derniers collaborateurs du Maître respecté.

On conçoit, abstraction faite de la valeur individuelle