Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/84

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sement si beau, si intelligent, si ardent et si grand, que je crains que sa vie ne s’évanouisse dans ce monde vulgaire comme un rêve fugitif et divin. Il m’aime avec l’ardeur et la ferveur du premier amour, il sait et connaît tout ce qui me concerne. Il veut que je reste à jamais près de lui, que je travaille, que je me repose et que je fasse exécuter mes œuvres ; il veut me donner tout ce dont j’ai besoin ; il veut que je termine les Nibelungs, et il les fera exécuter comme je le désire. Et tout cela, il l’entend sérieusement et littéralement, comme vous et moi quand nous parlions ensemble. Tout souci pécuniaire doit m’être enlevé ; j’aurai tout ce dont j’ai besoin, à la seule condition que je reste auprès de lui. Que dites-vous de cela ? qu’en dites-vous ? Est-ce pas inouï ? est-ce que cela peut être autre chose qu’un rêve ? »

Le premier soin de Wagner fut, par reconnaissance pour le roi, de se faire naturaliser bavarois et de composer en l’honneur de son souverain une marche militaire, Huldigungsmarsch : puis il élabora, sur la demande de son royal ami, le projet d’une école nationale de musique à établir à Munich ; mais ce projet ne fut pas mis à exécution, par suite du mauvais vouloir des musiciens de cette ville. Dès l’année 1864, il fit jouer dans la capitale de la Bavière le Hollandais volant, et dirigea des concerts uniquement composés de ses œuvres ; mais les bavarois, déjà mécontents et inquiets de la faveur inouïe du compositeur, dont on craignait l’influence sur le roi, n’assistèrent pas à ces auditions, et la salle resta presque vide. Cependant le royal protecteur, sans s’inquiéter de ces manifestes hostilités, s’occupait activement dès lors de l’érection du théâtre rêvé par Wagner et en étudiait les plans avec Gottfried Semper, l’ami du Maître. Puis il faisait venir de Dresde, en payant un dédit au directeur du théâtre