ainsi édifiée, haute d’une dizaine de tabourets toujours surmontés du chapeau, et évoquant vaguement l’idée de la statue de Napoléon sur la colonne Vendôme, arrivât à toucher le plafond. Je ne sais qui avait inventé cet exercice, mais il est certain qu’avec trois élèves intelligents et bien rompus à la manœuvre, c’était fait, montre en main, en deux minutes.
Alors les deux plus forts pianistes de la classe se mettaient à jouer à tour de bras l’ouverture du « Voyage en Chine », pendant que les autres battaient « aux champs » sur la table et sur ce qui restait de tabourets disponibles, jusqu’au moment où une vigie annonçait le retour du professeur.
C’était très imposant ; mais M. Bazin n’aimait pas cela ; il disait : « Vous êtes des polissons », et n’avait peut-être pas absolument tort ; puis il congédiait tout le monde, et faisait venir deux garçons de classe pour détruire l’édifice et rentrer en possession de son couvre-chef.
Je dois dire qu’il avait comme une intuition que je ne participais pas à cette charge de mauvais goût, car un jour où je me trouvais partir le dernier, il me dit en me serrant la main d’une façon significative :
— « Croyez-vous qu’ils sont assez bêtes, ces animaux-là ? »
(Mes élèves actuels sont moins gais.)