Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/324

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cette maison, la maison aux Dauphins, à cause qu’elle appartint aux deux derniers princes souverains de Dauphiné et à Charles de France, dauphin, duc de Normandie et régent du royaume, qui la donna en 1356 à Jean d’Auxerre, receveur des gabelles de la prévosté et vicomté de Paris, en considération des services qu’il lui avoit rendus. »

Cette maison fut vendue à la ville par Jean d’Auxerre et Marie sa femme, par contrat du 7 juillet 1357, moyennant la somme de « deux mille huit cent quatre-vingts livres parisis, forte monnoie, payée en deux mille quatre cents florins d’or au mouton, par Estienne Marcel, prévost des marchands. »

Sauval nous donne ainsi la description de l’hôtel aux Dauphins : « Il y avoit deux cours, un poulailler, des cuisines hautes, basses, grandes et petites, des étuves accompagnées de chaudières et de baignoires, une chambre de parade, une d’audience appelée plaidoyer, une salle couverte d’ardoises, longue de cinq toises et large de trois, et plusieurs autres commodités.

Au commencement du XVIe siècle ces constructions étaient devenues insuffisantes.

« En l’an 1553, le 15 juillet (dit Dubreuil), fut posée la première pierre du nouveau bastiment de l’Hostel-de-Ville, par MM. Maistre Pierre Viole, sieur d’Athis, conseiller du roy, notre sire en sa cour de parlement à Paris, prévost des marchands, et maistres Gervais Larcher, Jacques Boursier, Claude Daniel et Jean Barthélemy, eschevins, lesquels avoient chacun une truelle argentée pour prendre du morlier fait de sable et de chaux. Sur laquelle pierre estoit une lame de cuivre, où estoient gravées les armes du roy, et aux deux costés les armes de la ville avec cet escrit : Facta fuerunt hæc fundamenta, etc. ; pendant que l’on faisoit l’assiette de cette pierre, sonnoient les fifres, tambourins, trompettes et clairons, artillerie, cinquante hacquebutes à croq de la ville, avec les hacquebutiers d’icelle ville qui sont en grand nombre ; et aussi sonnoient à carrillon les cloches de Saint-Jean-de-Grève, du Saint-Esprit et de Saint-Jacques-de-la-Boucherie. Aussi, au milieu de la Grève, il y avait vin défoncé, tables dressées, pain et vin pour donner à boire à tous venants, en criant par le menu peuple à haute voix : Vive le roy et messieurs de la ville. »

Le premier et le second étages étaient construits en 1549. L’architecte avait alors 250 livres de gages ; Asselin, maître des œuvres de la ville et commis à la surintendance de la charpente, en avait 75 ; et Chambiche, tailleur de pierres, maçon et conducteur des ouvriers, 25 sols par jour. Un nouveau plan qui modifiait le premier fut présenté à Henri II. Un artiste italien, Dominique Boccardo dit Corlone, auteur de ce plan, fut chargé de l’exécution, que les guerres civiles des règnes de Charles IX et de Henri III firent suspendre. L’Hôtel-de-Ville fut enfin achevé en 1606, sous le règne de Henri IV, par les soins de François Myron, et sous la direction d’André du Cerceau, qui fit quelques changements au plan de l’architecte italien. Le vénérable prévôt des marchands donna neuf cents livres de ses propres deniers et plus de vingt-deux mille livres de droits attachés à sa charge pour les derniers travaux de la façade. Il fit faire les ornements, le grand perron, les escaliers, le portique, et plaça sur le cintre qui surmonte la porte d’entrée la statue équestre de Henri IV. Cette statue, ouvrage de Pierre Biard, fut mutilée, pendant la révolution.

Un arrêté de la commune, à la date du 22 août 1792, porte ce qui suit :

« Le procureur de la commune propose de remplacer le cheval de bronze qui est sur la porte de la maison commune, par une table de marbre sur laquelle sera gravée en lettres d’or cette inscription :

« Obéissez au peuple, écoutez ses décrets,
» Il fut des citoyens avant qu’il fut des maîtres,
» Nous rentrons dans les droits qu’ont perdus nos ancêtres ;
» Le peuple par les rois fut longtemps abusé,
» Il s’est lassé du sceptre et le sceptre est brisé.»

La statue de Henri IV fut restaurée en 1815, coulée en bronze, puis rétablie à l’endroit où nous la voyons.

L’ancienne façade de l’Hôtel-de-Ville présente un corps de bâtiment flanqué de deux pavillons, et dont les combles, suivant l’usage du temps, sont d’une grande hauteur. Cette façade, percée de treize fenêtres au premier étage, est surmontée d’une campanille où fut placée vers 1781 une horloge ouvrage remarquable de Lepaute.

On montait à l’Hôtel-de-Ville par un perron extérieur. Après avoir traversé le vestibule, un second escalier vous conduit à la cour. Entourée de portiques d’un style plein de noblesse, cette cour a la forme d’un trapèze. La frise contenait autrefois trente inscriptions gravées en lettres d’or, et qui rappelaient les principaux événements du règne de Louis XIV. Ces inscriptions étaient dues au savant André Félibien, père de l’historien de ce nom. Sous l’arcade qui fait face à l’entrée de l’Hôtel, entre deux colonnes ioniques de marbre, avec chapiteaux et ornements de bronze, on voit la statue pédestre de Louis XIV, ouvrage d’Antoine Coysevox. Le grand roi, habillé en triomphateur romain, porte l’énorme perruque en usage au XVIIe siècle. Il s’appuie d’une main sur un faisceau d’armes qui s’élève au milieu d’un trophée, et de l’autre il semble donner des ordres. Le piédestal est de marbre blanc. Avant la révolution, ses faces étaient chargées de deux bas reliefs et de deux inscriptions. Le premier bas-relief représentait le roi distribuant du pain aux pauvres. Le second montrait la religion triomphante de l’hérésie qu’elle foudroyait. (Ce dernier morceau de sculpture faisait allusion à la révocation de l’édit de Nantes, en 1685.)