Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/522

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Tencin, maîtresse du cardinal Dubois, et de beaucoup d’autres. Son éminence en arrêtait l’exécution. Un jour le cardinal proposa au régent une nouvelle orgie sous le nom de fête des Flagellants. Le prince répondit « Je le veux bien, à conditions que tu seras de la partie et que nous t’écorcherons. » Toute la cour des roués se flagella dans une nuit profonde !…

Dubois pria bientôt madame de Tencin de composer la chronique scandaleuse du genre humain. Cette noble dame se mit à la recherche des plaisirs des Grecs et des Romains, et raconta ce que les empereurs et les plus fameuses courtisanes avaient imaginé ou pratiqué de piquant et de voluptueux ; en un mot, l’infamie de cet intérieur était poussée si loin, que la comtesse de Sabran, maîtresse du régent, disait un soir en plein souper, devant le duc d’Orléans lui-même : « Que Dieu après avoir créé l’homme, prit un reste de boue dont il forma l’âme des laquais et des princes. »

Ne nous arrêtons pas plus longtemps à de telles turpitudes, et revenons aux constructions du Palais-Royal.

Le régent porta dans les embellissements intérieurs du Palais-Royal la passion qu’il avait pour les arts. Il confia à son architecte Oppenort, la construction d’un salon qui servait d’entrée à la vaste galerie élevée par Mansart. Ces bâtiments, qui s’étendaient jusqu’à la rue de Richelieu, ont été détruits lors de la construction du théâtre Français.

Louis, fils de Philippe duc d’Orléans, régent, fit planter sur un dessin nouveau le jardin du Palais-Royal, sauf la grande allée du cardinal qu’il conserva. On y voyait deux belles pelouses, bordées d’ormes en boules, qui entouraient un grand bassin placé dans une demi-lune ornée de treillages et de statues en stuc, la plupart de la main de Laremberg. Au-dessus de cette demi-lune régnait un quinconce de tilleuls, se rattachant à la grande allée qui formait un berceau délicieux et impénétrable au soleil.

La salle de l’Opéra qui occupait l’aile droite du palais, fut incendiée en 1763 ; Louis-Philippe duc d’Orléans, en exigea la reconstruction aux frais de la ville. La direction des travaux fut confiée par le prévôt des marchands à l’architecte Moreau. Le prince, de son côté, fit bâtir par Contant d’Ivry, les parties du corps principal de l’édifice qui avaient été endommagées, ainsi que les vestibules, le grand escalier et presque tous les appartements. La rivalité qui régnait entre les deux artistes fut très nuisible à l’harmonie de l’édifice. Devenu propriétaire du Palais-Royal, le duc de Chartres, fils du précédent, forma le projet d’agrandir sa demeure. Il s’adressa bientôt à sa majesté qui s’empressa de lui accorder l’autorisation d’élever de nouvelles constructions.

13 août 1784. Lettres-patentes qui permettent à M. le duc de Chartres d’accenser les terrains et bâtiments du Palais-Royal, parallèles aux rues des Bons-Enfants, Neuve-des-Petits-Champs et de Richelieu.

« Louis, par la grâce de Dieu, etc… À nos amez et féaux conseillers les gens tenant notre cour de parlement et chambre des comptes à Paris, salut. Notre très cher et bien amé cousin, Louis-Philippe-Joseph d’Orléans, duc de Chartres, prince de notre sang, nous aurait représenté qu’aux droits de notre très cher et bien amé cousin Louis-Philippe duc d’Orléans son père, premier prince de notre sang, il possède à titre d’apanage le Palais-Royal et le jardin qui en fait partie ; qu’il a pensé que ce jardin serait plus agréable et plus commode s’il était environné, le long des trois côtés parallèles aux rues des Bons-Enfants, Neuve-des-Petits-Champs et de Richelieu, de galeries couvertes pratiquées dans des maisons uniformes ornées de pilastres et autres décorations d’architecture, analogues à la façade qu’il a commencé d’élever sur le même jardin, parallèlement à la rue Saint-Honoré, pour perfectionner, agrandir et améliorer le dit palais, suivant les plans géométriques et d’élévation de Louis, architecte, qu’il nous aurait représentés ; qu’il l’aurait déjà exécuté en grande partie au moyen des avances qu’il s’est procurées ; que le seul moyen d’achever ce projet serait de pouvoir se rembourser de ces avances en accensant le sol des dites maisons sur les trois côtés ci-dessus et celui des passages nécessaires à leur service, à raison de vingt sols par chaque toise, de redevance annuelle dans la directe du d. apanage, etc… À ces causes, etc… nous avons par ces présentes signées de notre main, permis et permettons à notre dit cousin le duc de Chartres d’encenser les d. terrains et bâtiments parallèles aux trois rues des Bons-Enfants, Neuve-des-Petits-Champs et de Richelieu, comme aussi le sol des passages nécessaires au service d’icelles, contenant le tout 3,500 toises, etc… Donné à Versailles le 13e  jour du mois d’août, l’an de grâce 1784, et de notre règne le 11e. Signé Louis. » (Archives du royaume).

Trois grandes galeries destinées à former un superbe bazar, s’élevaient autour du jardin du Palais-Royal. Une opposition très vive se manifesta lorsque la cognée abattit les beaux marronniers plantés par le cardinal de Richelieu. Parmi les opposants on comptait bien, il est vrai, un grand nombre de désœuvrés qui étaient scandalisés que le prince les empêchât d’aller faire plus longtemps la sieste sous ces ombrages ou de discuter gravement les grands intérêts de l’État. Cette opposition, on la rencontre partout ; il y a toujours des frelons pour nuire aux abeilles ; mais parmi les opposants il y avait des hommes calmes et froids qui disaient au pourvoir : — « Sur dix rues que vous ouvrez, il y en a neuf sur la rive droite. Tous les établissements publics qui ont une influence sur l’industrie sur le commerce, c’est la rive droite qui les possède. À