Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/524

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arrêté ; 4o le présent arrêté sera imprimé et affiché. » (Extrait des registres de la Commune.)

Le 16 janvier 1793, la Convention s’était réunie pour décider du sort de Louis XVI. Il était sept heures et demie du soir. Chaque député, dont le nom sortait de l’urne, montait à la tribune et proclamait à haute voix son vote, que les spectateurs accueillaient avec des applaudissements ou des imprécations. À l’appel du nom de Louis-Philippe-Joseph Égalité, un profond silence règne aussitôt dans la salle. L’ancien duc d’Orléans se lève, traverse la salle, monte à la tribune et laisse tomber lentement ces deux mots : la mort !

Le 6 novembre suivant, une charrette conduisait un condamné au supplice. Arrivée devant la façade du Palais-Royal, la charrette s’arrêta et le patient promena ses regards sur l’édifice ; quelques minutes après, la voiture continua sa route jusqu’à la place de la l’évolution. L’échafaud venait d’être dressé ; le duc d’Orléans y monta d’un pas ferme et reçut le coup mortel.

Le Palais-Royal fut alors réuni au domaine national, puis envahi par une race de Bohémiens qui coupèrent les murailles pour élargir les fenêtres ou pour percer des portes.

Napoléon donna le Palais-Royal au Tribunat pour en faire le lieu de ses séances. À cet effet, M. Beaumont construisit une salle qui plus tard servit de chapelle. Après la dissolution du Tribunat, le Palais-Royal fut réuni au domaine extraordinaire de la Couronne.

« En 1814, dit M. Vatout, qui a fait un travail remarquable sur les Résidences Royales, un auguste exilé revient dans sa patrie ; il se présente seul et sans se faire connaître au Palais-Royal. Le suisse, qui portait encore la livrée impériale, ne voulait pas le laisser entrer il insiste, il passe, il s’incline, il baise avec respect les marches du grand escalier… C’était l’héritier des ducs d’Orléans qui rentrait dans le palais de ses pères ! »

Pendant les Cent-Jours, cette habitation fut occupée par le prince Lucien Bonaparte, qui ne changea rien aux dispositions que son prédécesseur avait prises.

Depuis le commencement de la révolution, le Palais-Royal était devenu le grand bazar parisien. Cet édifice, regardé comme le temple du goût et de la mode, attirait à lui tous les provinciaux qui venaient visiter la capitale. C’était un harem toujours peuplé, toujours ouvert.

Les Galeries de Bois, bordées de nombreuses boutiques de marchandes de modes, devenaient le lieu de prédilection des promeneurs du soir, qui s’entassaient dans cet espace étroit et malsain.

« Les Athéniens, dit Mercier, élevaient des temples à leurs phrynées ; les nôtres trouvent le leur dans cette enceinte… Les agioteurs, faisant le pendant des jolies prostituées, vont trois fois par jour au Palais-Royal, et toutes ces bouches n’y parlent que d’argent et de prostitution politique. Tel joueur à la hausse et à la baisse peut dire, en parlant de la Bourse : Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis. La Banque se tient dans les cafés ; c’est-à-dire, qu’il faut voir et étudier les visages subitement décomposés par la perte ou par le gain ; celui-ci se désole, celui-là triomphe. Ce lieu est donc une jolie boite de Pandore ; elle est ciselée, travaillée, mais tout le monde sait ce que renfermait la boîte de cette statue animée par Vulcain. Tous les Sardanapales, tous les petits Lucullus logent au Palais-Royal, dans des appartements que le roi d’Assyrie et le consul romain eussent enviés…

» Quoique tout augmente, triple et quadruple de prix dans ce lieu, il semble y régner une attraction qui attire l’argent de toutes les poches ; surtout de celles des étrangers qui raffolent de cet assemblage de jouissances variées et qui sont sous la main ; c’est que l’endroit privilégié est un point de réunion pour trouver dans le moment tout ce que votre situation exige dans tous les genres. Il dessèche aussi les autres quartiers de la ville, qui déjà figurent comme des provinces tristes et inhabitées. La cherté des locations, que fait monter l’avide concurrence, ruine les marchands. Les banqueroutes y sont fréquentes ; on les compte par douzaines. C’est là que l’effronterie de ces boutiquiers est sans exemple dans le reste de la France ; ils vous vendent intrépidement du cuivre pour de l’or, du stras pour du diamant ; les étoffes ne sont que des imitations brillantes d’autres étoffes vraiment solides ; il semble que le loyer excessif de leurs arcades les autorise à friponner sans le plus léger remords. Les yeux sont fascinés par toutes ces décorations extérieures qui trompent le curieux séduit, et qui ne s’aperçoit de la tromperie qu’on lui a faite que lorsqu’il n’est plus temps d’y remédier… Il est triste en marchant de voir un tas de jeunes débauchés, au teint pâle, à la mine suffisante, au maintien impertinent, et qui s’annoncent par le bruit des breloques de leurs deux montres, circuler dans ce labyrinthe de rubans, de gazes, de pompons, de fleurs, de robes, de masques, de boites de rouge, de paquets d’épingles longues de plus d’un demi pied ; ils battent le camp des Tartares dans cette oisiveté profonde qui nourrit tous les vices, et l’arrogance qu’ils affectent ne peut dissimuler leur profonde nullité. On appelle Camp des Tartares, les deux galeries en bois qui, je l’espère, seront bientôt remplacées par une galerie magnifique qui complétera la beauté de l’édifice. »

Le vœu du spirituel écrivain a été exaucé ; le duc d’Orléans arrêta un projet définitif pour l’achèvement du Palais-Royal. Près de trois millions ont été employés par lui au rachat d’un grand nombre de propriétés. Un million fut également payé, par suite de transaction, pour rentrer dans la propriété du Théâtre-Français qui a été restauré, ainsi que les autres parties de l’édifice. Toutes les dépenses peuvent être évaluées à onze millions de francs. Les principaux changements au projet de l’architecte Louis, sont la substitution d’une terrasse aux grands appartements qu’il voulait établir