Page:Lazare - Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, 1844.djvu/607

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Charles V, moyennant 14,000 écus d’or. Cet hôtel appartint ensuite au roi Charles VI, et dans les registres capitulaires de Notre-Dame il est qualifié, en 1417, de Maison royale des Tournelles.

Charles VI, pendant sa démence, et le duc de Bedfort, régent de France pour le roi d’Angleterre, ont habité l’hôtel des Tournelles.

Bedfort comptait si bien sur la puissance anglaise, qu’il voulut faire réparer et agrandir pour son usage particulier la demeure des rois de France. À cet effet, il acheta aux religieux de Sainte-Catherine, moyennant la somme de deux cents livres, douze arpents de terre qui faisaient partie de leur culture. Mais bientôt, grâce au courage d’une jeune paysanne, Charles VII ramena sa bannière triomphante dans le palais des Tournelles.

Cette habitation était aussi riche et aussi vaste que l’hôtel Saint-Paul. Elle renfermait plusieurs corps de bâtiments avec chapelles. On y comptait douze galeries, deux parcs, sept jardins, et la distribution des appartements était semblable à celle des autres maisons royales.

On y remarquait la chambre du conseil dont les ornements étaient de la plus grande magnificence ; la galerie des Courges, ainsi nommée des courges vertes peintes sur les murailles. Cette galerie avait été élevée par l’ordre du duc de Bedfort, en 1432. Sur le comble couvert de tuiles, étaient dessinées les armes du régent et ses devises environnées de six bannières avec ses armoiries.

Le 23 août 1451 eut lieu, au palais des Tournelles, la représentation de la danse macabre devant le duc Charles d’Orléans. Guillemin Girost et ses compagnons, qui exécutèrent cette danse, reçurent une gratification de 4 livres 2 sols 6 deniers tournois.

Une partie de l’hôtel des Tournelles portait le nom de logis du Roi. La porte d’entrée était décorée d’un écusson aux armes de France, peint par Jean de Boulogne. — Louis XI y fit construire une galerie qui traversait la rue Saint-Antoine et aboutissait à l’hôtel de Madame d’Étampes.

Louis XII mourut au palais des Tournelles, le 1er janvier 1515. « Lorsque les clocheteurs des trépassés, dit un historien contemporain, allèrent par les rues avec les clochettes, sonnant et criant : le bon roy Loys, le père du peuple, est mort, ce fut une désolation dans Paris, telle qu’on n’en avoit jamais vue au trépassement d’aucun roy.»

François Ier vint rarement habiter ce manoir qu’il dédaignait pour s’occuper de Fontainebleau et du Louvre. Son successeur Henri II y ramena les plaisirs, et le palais des Tournelles jeta son plus vif et son dernier éclat.

Chaque jour le roi se plaisait à inventer des fêtes, des tournois, des joutes d’amour en l’honneur des dames. — À l’un de ces tournois où la cour était présente, au plus bel instant de la joie générale, sous les yeux et sous l’admiration de la belle duchesse de Valentinois, dont il portait les couleurs, le roi Henri voulut joûter avec le comte de Montgommeri, capitaine de la garde écossaisse. Le choc fut si violent, qu’un des éclats de la lance du comte atteignit le visage du roi, après avoir brisé la visière de son casque. Henri fut porté sans connaissance à l’hôtel des Tournelles, où il expira le 15 juillet 1559. — À dater de cette mort, ce palais devint comme un lieu de malédiction. Mille terreurs superstitieuses assiégeaient les habitants de ce triste manoir qui fut bientôt abandonné.

Lettres-patentes pour la vente des places de l’hôtel des Tournelles et d’Angoulême.

28 janvier 1563. — « Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. — Nous avons été bien et dûment avertis et informez qu’en notre ville de Paris, il y a plusieurs places et maisons étant de notre vray et ancien domaine qui de présent sont rendues inutiles et ruineuses dont ne tirent aucun profit et bien petit de commodité, et néantmoins seroient fort propres et utiles et convenables à bâtir et édifier plusieurs beaux logis et demeures fort nécessaires, pour y retirer bon nombre de peuple qui afflue de jour en jour et vient habiter en notre dite ville dont la plus part sont contraints faire maisons et bâtiments hors le tour et enclos d’icelle, pour n’y pouvoir plus trouver place à bâtir, et même notre hôtel des Tournelles et d’Angoulesme assis rue Saint-Antoine, lesquels, comme il est évident, tombent chacun jour partie après l’autre, et est impossible de les pouvoir réparer ni mettre en sûr état pour y habiter, sans y employer une si grande somme de deniers qu’il nous est à présent du tout impossible d’y faire fournir, ayant égard à l’état de nos finances et à nos urgentes affaires ainsi pressez que chacun sait. Par quoy, pour éviter la totalle ruine des dits hôtels et la perte des matériaux des bâtiments qui y restent à présent debout, est requis et nécessaire faire bailler et distribuer nos dits hôtels des Tournelles et d’Angoulesmes, ainsi qu’ils se poursuivent et comportent avec les appartenances et dépendances par places et portions divisées et séparées à cens et perpétuité portant lods et ventes, saisines et amendes, et moyennant aussi quelques sommes de deniers pour une fois de sort principal et achat qui s’en fera dont nous en reviendroit de gros deniers des quels nous nous pourrions prévaloir et ayder en nos dites affaires mêmement à édifier et construire notre château du Louvre et autres bâtiments que nous voulons être construits en notre dite ville de Paris, èsquels nous avons délibéré loger et non plus aux d. Tournelles, etc. — Pour ces causes et autres bonnes et justes considérations à ce nous mouvant, avons par l’avis de notre Reyne, notre très honnorée dame et mère, des princes de notre sang et autres seigneurs de notre privé conseil, dit, etc… que notre d. hôtel