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LE BAISER FATAL

têtes pleines d’orgueil, venez ouvrir devant le Dieu de charité vos cœurs pleins de malice ! Le diable n’aura peut-être pas besoin d’un papier signé de votre sang pour emporter vos âmes.

* * *

Les travaux des champs étaient finis. La récolte avait été bonne, et les granges, pleines jusqu’au faîte, promettaient l’abondance pour l’hiver qui allait venir.

Célestin avait coutume de se réjouir à la vue de ses fenils où le foin et le trèfle dégageaient leur doux arôme ; à la vue des « tasseries » où les gerbes laissaient pendre comme des grappes de diamants les épis mûrs. Aujourd’hui, il regardait avec indifférence les riches produits des sillons et des prairies. Les chevaux hennissaient joyeusement ; les bœufs et les génisses au poil luisant beuglaient tour à tour comme pour le saluer, lui leur maître toujours fidèle à leur apporter le mil succulent et la paille dorée, l’eau