Page:LeMay - Essais poétiques, 1865.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
ÉVANGÉLINE

Et la vierge aussitôt dit à ses compagnons :
« Si nous changeons de route et si nous atteignons
« Le bourg que ce mont semble enlever sur son aile,
« Peut-être aurons-nous là quelque bonne nouvelle. »
À peine eut-elle dit que les aventuriers
Guidèrent vers les monts leurs rapides coursiers.
Quand le soleil entra dans son lit de nuée
La troupe voyageuse, ardente et dénuée,
Détourna la montagne et découvrit au loin
Une grasse prairie où moutonnait le foin,
Où serpentaient les eaux d’une vive fontaine.
Elle entendit chanter plus d’une voix lointaine,
Et vit le groupe gai des tentes des chrétiens
Unis dans ces déserts par de sacrés liens.


Sous un chêne orgueilleux dont l’antique feuillage
De son ombre voilait les tentes du village,
Etaient agenouillés, avec soumission,
Le peuple et le pasteur de l’humble mission.
Voilé par une vigne un crucifix de marbre
Avait été fixé dans l’écorce de l’arbre
Et semblait reposer un regard triste et doux
Sur les pieux chrétiens tombés à ses genoux.
À travers les rameaux du chêne solitaire
La prière et le chant s’élevaient de la terre
Et montaient vers les cieux comme un divin encens.
Les voyageurs, touchés de ces pieux accents,
S’avancèrent sans bruit, la tête découverte,
Se mirent à genoux sur la pelouse verte,