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ÉVANGÉLINE

« Mais petit à petit se corrompit la loi :
« Aux misères du pauvre on n’ajouta plus foi,
« Et le faible, sans cesse en butte à l’ironie,
« Dut subir du plus fort la lâche tyrannie.
« On afficha le vice, et chaque tribunal
« Outragea l’innocence et protégea le mal.


« Un jour il arriva que certaine duchesse
« Perdit un collier neuf d’une grande richesse :
« N’ayant pu le trouver elle voulut, du moins,
« Venger avec éclat et sa perte et ses soins.
« Elle accusa de vol, en face de la ville,
« Une pauvre orpheline, une pieuse fille,
« Qui depuis de longs jours la servait humblement.
« Le procès, pour la forme, eut lieu bien promptement,
« Et le juge pervers condamna la servante
« A mourir au gibet d’une mort infamante.
« Autour de l’échafaud on vit les curieux,
« Pressés, impatients, inonder tous les lieux.
« La jeune fille vint, calme mais abattue,
« Subir son triste sort au pied de la statue.
« Le bourreau la saisit. Au moment solennel
« Où son âme montait vers le Juge Eternel,
« Un orage mugit ; l’impitoyable foudre
« Ebranle la colonne et la réduit en poudre,
« Et la balance tombe avec un sourd fracas ;
« Or dans un des plateaux qui se brisent en bas
« On voit un nid brillant… c’était un nid de pie
« Dans lequel s’enlaçait avec coquetterie