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ÉVANGÉLINE

Le tonnerre roula de colline en colline.
Dans sa chambre, à genoux, la pauvre Évangéline
Se rappela qu’au ciel est un Dieu juste et bon
Qui voit tout l’univers s’incliner à son nom :
Elle se rappela cette jeune servante
Dont Leblanc avait dit l’histoire consolante.
Son âme se calma, son front devint vermeil.
Puis elle s’endormit d’un paisible sommeil.


V


Quatre fois le soleil, sorti du sein des ondes.
Fit pleuvoir sur Grand Pré ses feux en gerbes blondes ;
Quatre fois, en dorant l’humble croix du clocher,
Il disparut derrière un noirâtre rocher
Qui découpait au ciel une ligne bizarre,
A cette heure suave où l’aurore se pare
Des roses qu’elle cueille à l’approche du jour
Le coq joyeux chanta dans chaque basse-cour.
Et pendant qu’il chantait, livides et muettes,
Conduisant vers la mer leurs pesantes charrettes,
Le chapelet au cou, les femmes, tour à tour,
Sortirent, à pas lents, des hameaux d’alentour.
Elles mouillaient de pleurs la poussière des routes,
Et puis, de temps en temps, elles s’arrêtaient toutes
Pour regarder encore une dernière fois
Le clocher de l’église et leurs modestes toits
Et leurs paisibles champs et leur joli village,
Avant que la forêt qui borde le rivage