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ÉVANGÉLINE

Leurs rameaux recourbés, ressemblaient aux vaisseaux
Qu’un calme désolant enchaîne sur les eaux.


Sur un cheval sellé qui hennit et folâtre,
Au bord de la forêt, on voit venir le pâtre.
Il revêt un pourpoint fait de peau de chevreuil ;
Sa figure bronzée a presque de l’orgueil ;
Son œil étincelant se lève et se promène,
Satisfait et ravi, sur la sublime scène
Que le soir, sous les cieux, déroule lentement.
Près de lui ses troupeaux broutent paisiblement
La pointe du gazon et la feuille moelleuse,
Et savourent, joyeux, la fraîcheur vaporeuse
Qui s’élève des flots et sur les prés s’épand.
A l’un de ses côtés un cor de cuivre pend.
Il le prend et le porte à sa bouche puissante :
Le cuivre retentit, et sa voix frémissante
Fait résonner, au loin, l’air sonore du soir.
Soudain à ce signal, dans le champ, on put voir
Les taureaux attentifs lever leurs cornes blanches
Au-dessus des buissons et des légères branches,
Comme des flots d’écume au-dessus des cailloux.
En silence, d’abord, ouvrant leurs grands yeux roux,
Pendant quelques moments ils s’entre-regardèrent ;
Bientôt, comme un nuage, ils se précipitèrent
En beuglant, tous ensemble, à travers le gazon.
Alors le pâtre heureux revint à la maison.