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ÉVANGÉLINE

Était comme un nuage à la frange dorée
Qui flotte entre deux cieux dans une mer pourprée.
Le front d’Évangéline était calme et serein :
Pour elle enfin le ciel ne serait plus d’airain !
L’amour illuminait son âme sans mystère
Ainsi que le soleil illuminait la terre.


Alors dans un bosquet un jeune oiseau-moqueur,
Le plus sauvage barde et le plus beau chanteur,
Sautant de branche en branche, au bord du gai rivage,
Jusqu’au faîte d’un saule au frémissant feuillage,
Se mit à fredonner des ramages si beaux
Que les vieilles forêts, les rochers et les eaux
Semblèrent, pour l’ouïr, taire leurs grands murmures.
Ses notes scintillaient, ravissantes et pures,
Comme un ruisseau de perle à travers des récifs.
Ses chants furent, d’abord, douloureux et plaintifs ;
C’était le chant d’amour des âmes délaissées :
Mais sa voix s’anima ; ses roulades pressées
Firent trembler au loin les feuillages touffus :
Brillants coups de gosier, éclats, trilles confus,
C’était un cri d’orgie, un refrain de délire.
Il parut babiller et s’éclater de rire ;
À la brise il jeta des accents de courroux ;
Il modula longtemps des sons tristes et doux ;
Puis, fendant, dans son vol, l’air avec brusquerie,
Il sema dans le ciel, comme par moquerie,
Tous les divers accords de sa divine voix.
Au milieu d’un beau jour il arrive, parfois,