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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

autres. Picounoc dit à ses compagnons : C’est une enfant maltraitée par sa tante, c’est évident : Emportons-la ?

— Emportons-la répondirent les autres.

— À nous tous, observa Sanschagrin, nous pouvons subvenir à son entretien.

— Y penses-tu ? demanda Fourgon. Tous tant que nous sommes nous ne pouvons économiser un sou par année, et nous allons, d’un vire-main, devenir pères et mères de famille ? Merci !…

Le muet serra la petite contre son cœur.

— Allons ! commande le contre-maître, déposez cette enfant dans une cabane, si vous ne la reportez pas à terre, et vite ! aux rames ! Il faut gagner le large.

— À terre ? où voulez-vous qu’elle aille ? réplique le gros joufflu, elle est encore sans connaissance.

— Aux rames ! alors, vite ! aux rames !

Le muet dépose sa protégée dans la meilleure cabane, sur la plus molle couche de linge et de branches, et rejoint ses compagnons. On met les rames dans les tollets, en avant, et l’on rame lentement, mais avec vigueur. Le