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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

votre vie, maître Recette ? demande le chef.

— J’ai ensorcelé une jolie fille.

— Ce n’est pas la mer à boire.

— Je vous ai dit tout à l’heure que je n’ai pas d’histoire. Mais vous, chef, que pouvez-vous dire pour nous édifier ?

— Moi ? moi ? je suis un maudit, entendez-vous ? un maudit !

— Eh bien ! le diable vous emportera voilà tout.

Le vieillard se dresse soudain et fixe sur Racette un regard effrayant. On dirait que des flammes pétillent au fond de ses orbites creuses. Ses cheveux se hérissent sur sa tête, et ses dents claquent dans sa bouche : je suis un maudit, te dis-je… un maudit !… C’est mon père qui m’a maudit, et moi j’ai maudit mes enfants.

— Racette est épouvanté ; le charlatan sourit… Le vieillard continue : J’aimais le plaisir dans ma jeunesse ; j’allais aux veillées ; je dansais avec les jeunes filles ; je pressais leurs mains blanches avec volupté ; je m’enivrais de brûlants désirs. Le curé prêchait contre les réunions de jeunes gens, contre les jeux et la