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LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

garçon de huit ans, frais et mignon comme ces petits anges que les grands artistes savent peindre. Trois autres enfants, morts au berceau l’attendaient au ciel. Ce n’était pas à qui lui annoncerait le naufrage du bateau de Paton, car on savait que son mari était au nombre des passagers et qu’il avait péri. Les femmes, les mères surtout ont un instinct merveilleux. Madame Jean Letellier s’aperçut bien qu’il y avait du mystère autour d’elle. Tous les visages étaient tristes, toutes les voix, muettes ou tremblantes, tous les yeux, mouillés ou rougis.

La mère Lozet fut choisie pour être la messagère de la douleur. La pauvre bonne femme tremblait comme si le froid l’eut glacée. Elle mit sa jupe neuve et son mantelet d’indienne à fond blanc, tout comme pour un jour de dimanche. Elle s’agenouilla devant son crucifix, pour demander la force et la prudence, puis s’en vint chez Letellier qui demeurait à une demi-lieue de chez elle.

— Excuse, dit-elle en entrant, excuse, Julie, si j’entre sans cogner.

— Pas d’offense ! mère Lozet, pas d’offense ! répond de sa voix douce la jeune femme