Page:LeMay - Le pèlerin de Sainte-Anne, 1877.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
LE PÈLERIN DE SAINTE ANNE.

heureuse avait aimé le monde. On la vit dans toutes les veillées : aux fêtes de la grosse gerbe, aux épluchettes de blé d’Inde, aux foulages d’étoffe ; et souvent elle y venait seule. Elle allait au devant des garçons trop timides. Nulle jeune fille ne dansait plus légèrement qu’elle. Infatigable, elle pouvait exécuter toutes les danses : le ril gai, la gigue simple, le cotillon échevelé. Elle glissait, roulait, se balançait, tourbillonnait toujours en cadence, sans perdre une mesure. Les mères prudentes lui prédisaient malheur. Un jour la pauvre fille s’oublia. Tant il est vrai que la dissipation, les jeux et la danse, surtout, prédisposent aux faiblesses du cœur et à la volupté. Ce fut un scandale. Alors la solitude se fit autour de l’infortunée. Elle resta seule avec sa honte. Une femme remplie de charité s’efforça pourtant de la relever et de la consoler. Elle lui parla si bien et si souvent de sainte Madeleine et de sainte Pélagie qui ont tant péché d’abord et ensuite tant aimé Dieu, qu’elle ramena la foi et l’espérance dans son cœur brisé. La jeune fille se repentit. Sa conduite devint admirable. Mais personne cependant ne semblait l’aimer, si ce n’est la femme de Jean Le-