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la débâcle

J’entends de longs soupirs, de rauques hurlements !
J’entends d’étranges bruits, d’affreux gémissements,
Des plaintes, des clameurs qui montent jusqu’aux nues !
Désespoirs inouïs, angoisses inconnues !
Voix d’hommes effrayés appelant au secours !
Voix de femmes pleurant les fruits de leurs amours !
Jeunes filles qu’étouffe une terreur amère !
Petits enfants en pleurs qui demandent leur mère !
Cris divers d’animaux qui pressentent la mort !
Vent qui souffle toujours, et de plus en plus fort !
Sourds murmures des flots qui s’agitent et roulent !
Lugubres craquements des maisons qui s’écroulent !
Tout se plaint, tout gémit dans ce grand chaos noir,
Tout n’est partout hélas ! que mort ou désespoir !

Voyez ce toit branlant qu’entoure une charmille,
Il berce sur l’abîme une pauvre famille
Qui demande à grands cris un secours trop tardif.
Entendez-vous, là-bas, cet autre accent plaintif ?
C’est le suprême adieu d’une mère éplorée
À son fidèle époux, à sa fille adorée.
Trop faible pour laisser sa couche de douleur,
Elle commande aux siens d’échapper au malheur
Qu’elle ne peut hélas ! éviter elle-même.
Rien ne doit la sauver de ce danger extrême.