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la débâcle

Ce n’est plus au refrain des joyeuses chansons
Que dans les flots obscurs plongent les avirons,
C’est au bruit des sanglots et des plaintes funèbres.
Où vont ces malheureux au milieu des ténèbres ?
Quels perfides courants les poussent vers l’écueil ?
N’auront-ils pas aussi les ondes pour cercueil ?
Ô ciel ! protège-les ; c’est assez de victimes !
Referme, Dieu puissant, ces horribles abîmes
Que ton bras redoutable a laissé s’entr’ouvrir,
Et que l’on voie encor ces rives refleurir !

* * *

Ô prière inutile ! En vain ma voix implore,
Il faut une victime, une victime encore !…
Ô Damas ! ô Damas ! réponds, où donc es-tu ?
Que devient ton amour ? Que devient ta vertu ?
Ton esprit égaré rêve-t-il d’harmonie ?
Damas, n’entends-tu pas un râle d’agonie,
Une plaintive voix qui va s’affaiblissant ?
N’entends-tu pas, Damas, un adieu saisissant
Qu’un souffle ému peut-être emporte sur son aile ?
Que berce en s’éloignant la vague solennelle ?
Damas, tu ne vois pas, pleins d’amour et d’effroi,