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les épis

Ces regards suppliants qui se lèvent vers toi !
C’est l’appel, c’est l’adieu d’une mourante vierge ;
Damas, c’est ton amie ! Elle est là, sur la berge,
Qui lutte vaillamment, et par un long effort,
S’épuise à repousser l’étreinte de la mort !

Mais si tu n’entends pas sa douloureuse plainte,
Un autre la comprend. Seul, il vogue sans crainte
Au milieu des débris qui flottent sur les eaux.
Il aime la tempête. Il aime les fléaux.
Il rit à ces malheurs qui frappent d’aventure
Des gens qui n’ont pour lui qu’une parole dure.
Il s’approche en chantant un couplet infernal.
Sur l’avant du canot on voit luire un fanal.

En face de la mort qui s’avance rapide,
Henriette a saisi, d’une main intrépide,
La branche d’un pommier que l’aïeul a planté.
Elle soutient ainsi, sur le gouffre indompté,
Son visage souffrant, sa chevelure blonde,
Que chaque brise incline et chaque flot inonde.
De temps en temps sa voix s’élève dans les airs,
Mais nul ne peut répondre à ses sanglots amers.