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irenna la huronne

La haine épuise enfin toute sa cruauté.
Tout bruit meurt. L’Iroquois dort. Un rire farouche
Comme un reflet d’enfer passe encor sur sa bouche.
Mais le chef ne dort pas. Il espère, il attend.
Un murmure, un frisson, un souffle qu’il entend
Lui semblent le soupir de la superbe esclave.
Et voilà que s’allume une paupière cave ;
Au bord du lac dormant un spectre est descendu ;
Un cœur broyé gémit sur le bonheur perdu ;
C’est l’altière Ondina qui cherche sa rivale.
Le sachem la renvoie, et, comme une cavale
Que l’éperon de fer tourmente et fait hennir,
La femme délaissée, à l’amer souvenir
Se révolte et bondit.
Se révolte et bondit. Les pénétrants arômes
Les chauds baisers des nids sous les sauvages dômes,
La tiédeur de la brise et le calme des cieux,
Tout invite à l’amour.
Tout invite à l’amour. Le chef est soucieux.
Elle tarde à venir, la Huronne captive.
Aux douces voluptés son âme trop rétive
Hésite à se donner… N’a-t-elle donc pas bu
La magique boisson du chef de la tribu ?
Le jongleur, à minuit l’a fait sourdre du sable.
Cette boisson qui rend l’amour impérissable