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les épis

Le Sagamo l’a prise ; il s’en est enivré,
Et le feu court déjà sous son masque cuivré.
Les cadavres sont là. Béantes, les blessures
Saignent encor. Les loups font d’horribles morsures.
Ils ont flairé le sang et sont vite venus.
Et des corbeaux nombreux sur les os déjà nus
Ouvrent leur sombre vol d’où tombent des cris aigres.
Ounis le prisonnier cherche quels chants allègres,
Pour braver les bourreaux, à son tour il dira.
Comme un tigre blessé l’Iroquois bondira,
Mais devant le héros ses fureurs seront vaines.
Le Huron jettera tout le sang de ses veines,
Comme un défi mortel, au front de ces vils chiens,
Et, mort, il s’en ira glorieux vers les siens.

La Huronne a passé sous la sombre ramure…
Sa joue a de l’éclat comme une pêche mûre ;
Ses yeux, sous leurs cils noirs ont de fauves lueurs.
Repus, lassés du mal, reposent les tueurs.
Le wigwam du sachem est ouvert. Le chef veille.
Il veille en attendant la captive. Ô merveille !
Au bruit léger d’un pas, comme un timide daim,
Lui, l’homme sanguinaire, il tressaille soudain !
Lui, le fauve pétri d’une sordide fange,
Il sourit à l’amour comme ferait un ange !