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nos trois cloches

Au-dessus des forêts même, déjà montaient
Bien des clochers bénis où nos espoirs tintaient,
La cloche, en sa lanterne, était fort solitaire.
Elle aimait à chanter. Rien ne la faisait taire,
Ni les neiges de mars, ni les ardeurs de juin.
Parfois ses longs sanglots nous disaient un chagrin,
Elle sonnait, parfois, des couplets de jeunesse.
Nous aimions à l’entendre. Il faut que l’on connaisse,
Quand monte vers le ciel un sonore tinton,
Si la joie ou le deuil entrent dans le canton ;
Si quelque nouveau-né reçoit l’eau du baptême,
Ou si l’un d’entre nous a dit l’adieu suprême.
Elle prenait aussi, dans les jours pluvieux,
Le timbre nasillard d’une chanson de vieux ;
C’était lorsqu’en hiver la pluie, après le givre,
Gelait comme des pleurs sur ses lèvres de cuivre.

Depuis un an peut-être une rumeur volait,
Mourant et renaissant comme un cri de tolet
Quand la rame déchire, en son rythme sévère,
Le sein des flots. Chez nous, un bruit qui persévère
Prend toujours la couleur de quelque vérité.
Or, plusieurs affirmaient avec autorité
Que le curé lui-même, une âme un peu lyrique,
Verrait avec plaisir notre vieille fabrique