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les épis

Il reste sourd. Pour lui, nul Sauveur n’est venu,
Et le rachat de l’homme est un mythe ingénu.

Et sous tous les climats, et dans tous les royaumes,
Trônant dans les palais, ou rampant sous les chaumes
On voit des cœurs fanés et des âmes en fleurs.
Le superbe triomphe et l’humble est dans les pleurs.
Mais quel front a le droit de se nimber de gloire ?
Et quel œil scrutera les secrets de l’histoire ?
L’homme n’est pas le maître. Il ferme en vain les yeux
Pour éteindre, en son rêve, et l’enfer et les cieux.

Nos aïeux, par le Christ, vers la forêt profonde
Jadis furent guidés… Leur empire se fonde
Au rythme de la hache, au grincement du soc,
Et leur ardente foi repose sur le roc.
Bardes mélodieux des bosquets, des prairies,
Feuillages qui flottez comme des draperies,
Fleurs dont les baumes purs n’ont pas été souillés,
Arbrisseaux gris de sève et vieux troncs dépouillés,
Chantez le nom du Christ que ma patrie adore !

Bénis soient le réveil du travail à l’aurore !
La vagabonde nef du hardi batelier !
La berçante chanson du toit hospitalier !
Le baiser du départ et le repos sous l’herbe !