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la voie, la vérité, la vie

— La vérité, c’est moi !… Moi, qui suis le plaisir,
Et qui réveille en l’âme un éternel désir.
La vérité, c’est moi !… Moi, qui suis la science,
Et montre le néant de toute conscience ;
C’est moi qui ne sais rien et ne peux rien savoir,
Et n’aime pas un Dieu que je ne saurais voir !
C’est l’homme émancipé, qui n’est pas fait d’argile,
Et croit à son journal plutôt qu’à l’Évangile !
C’est le drame troublant où l’on aime, où l’on rit,
Où l’on couvre de fleurs la vertu qui périt !…
La vérité, c’est Dieu devenu hors de mode,
Et dont la majesté ne plaît, ni n’incommode !

La voix qui crie ainsi, c’est la voix de l’orgueil
Qui ne croit qu’en lui-même, et sombre sur l’écueil ;
C’est la voix de l’impur, c’est la voix de l’impie,
Qui menacent le ciel parce que l’homme expie.
Elle ment. Elle appelle, hélas ! ces jours mauvais
Où l’ennemi du Christ fait le guet aux chevets,
Pour que n’échappe point l’apostat qui s’effare ;
Où le mal que l’on fait jamais ne se répare ;
Où le naïf s’attache à l’imposteur qui dit
Que sans maître on est libre, et sans culte on grandit ;
Où l’apôtre du siècle entre encor dans l’Église,
Et jongle avec le doute où son âme s’enlise.