Page:LeMay - Picounoc le maudit, Tome II, 1878.djvu/46

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ne l’interroge jamais ; cela semble lui faire mal. On respecte son secret — car il doit cacher un grand secret cet homme — et l’on aime son esprit aventureux, son cœur sincère, et son dévouement à ses semblables.

En parlant ainsi l’étranger regardait souvent Noémie ; car il était curieux de voir si le passé était complètement enseveli dans l’âme de cette femme. Il la vit pâlir, comme si tout son sang affluait au cœur, et il crut surprendre une larme sous sa paupière baissée. Il continua ainsi :

— L’homme quelquefois se trahit dans son sommeil, et la bouche, obéissant à l’esprit qui ne dort point, parle aussi quelquefois plus que de raison. Dans ses rêves, le grand-trappeur laisse souvent échapper, de ses lèvres inconscientes, un nom qu’il ne prononce jamais devant nous alors qu’il est éveillé ; c’est le nom d’une femme. Il a, c’est évident, un chagrin d’amour ; mais, grand Dieu ! quel chagrin ! il dure depuis vingt ans !

— Quel est ce nom de femme qu’il murmure ainsi dans ses rêves ? demanda le jeune avocat.

Ceux qui regardaient Noémie la virent tres-