Page:LeMay - Picounoc le maudit (2 tomes en 1 volume), 1878.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
209
PICOUNOC LE MAUDIT.

Il l’avait poursuivie de ses bons conseils et de ses soins charitables, comme d’autres poursuivent de leurs injures et de leurs vengeances. Comment rester insensible devant une pareille vertu ? devant un si beau, si long dévouement ? Mais la grande habileté de Picounoc avait surtout consisté à faire faire par d’autres la plupart des bonnes œuvres qu’on lui attribuait. Et il fallait le voir rire sournoisement quand il repassait dans sa mémoire, en fumant sa pipe, au coin du foyer, la suite de ces belles actions qui ne lui avaient rien coûté et dont il demandait le prix avec instance.

La veuve Letellier n’avait jamais manqué de serviteurs, pour les travaux de sa terre, et c’était grâce à lui. Mais toujours ou presque toujours, ces ouvriers étaient devenus infidèles, et c’était encore grâce à lui. Victor, l’enfant de Noémie avait reçu une instruction classique et embrassé une profession, tout comme un fils de bourgeois ; c’était grâce à lui. Mais le prêteur qui avait fourni l’argent nécessaire allait maintenant jeter la veuve dans le chemin, en la dépouillant de sa propriété, et c’était encore grâce à lui. Et mille choses étaient arrivées, grâce à lui, qui, bonnes d’abord, s’étaient bientôt changées en adversités.