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PICOUNOC LE MAUDIT.

rapide comme la lumière, il s’envola de régions en régions jusqu’aux rives enchantées du Saint-Laurent. Ah ! les malheureux peuvent bien désirer la mort ! Morts ils ne traînent plus leur corps souffrant, et leur esprit libre monte sans cesse vers l’éternelle félicité. Au malheureux le sommeil est doux, mais terrible est le réveil ! Le grand-trappeur s’éveilla. Le pâle reflet toujours fixe, toujours immobile, qui venait du dehors, éclaira soudain son esprit, comme il éclairait la croix. Une stupeur profonde succéda aux délices du rêve, et la réalité implacable se dressa comme un spectre devant sa pensée. Il eût voulu se persuader que le réveil n’était qu’un cauchemar, mais le souvenir de la veille revint avec toutes ses horreurs. Il se mit à genoux pour demander au Seigneur la résignation et le courage, s’il fallait mourir dans ce sépulcre horrible. Il fit de nouveaux efforts pour remuer la lourde pierre ; mais sa vigueur ne put triompher, et, comme l’aigle fatigué qui replie ses ailes et s’arrête sur le rocher abrupt, il revint, en se traînant, au fond de la sombre alcôve : Si Kisastari avait pu parler ! pensait-il. Il pensait encore : Ces indiens sont bien