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14 UNE GERBE

Le monde aime mes chants mais ne me donne rien :
Je ne ramperais pas, d’ailleurs, devant un trône ;
Je ne chanterais point pour une vile aumône ;
Et j’aime mieux rester à jamais indigent
Que de vendre ma lyre une pièce d’argent ! ”

—Par quel chagrin, Damas, ton âme est-elle étreinte ?
Pourquoi me blesses-tu par une injuste crainte ?
Partager ton destin, être pauvre avec toi
N’est ce pas, ô Damas, mon seul désir à moi ?
L’or n’apporte souvent qu’un bonheur bien futile :
L’amour et la vertu le donnent moins fragile.

—Mais pourrai-je chanter si je te vois souffrir ?
Mes accords désolés devront bientôt mourir.

—Oh ! j’unirai ma voix à ton accent suprême,
El le monde dira qu’on pleure mais qu’on aime.

—Qui parle par la bouche, ô charme de mon cœur ?
De tous mes vains discours ton amour est vainqueur.
Je craignais de trouver ton âme résignée
Et par un autre amour peut-être dominée.

—Tu me blesses, Damas, par ce cruel soupçon.
Tribul est riche et laid ; c’est un méchant garçon.