Page:LeNormand - Couleur du temps, 1919.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
COULEUR DU TEMPS

Paroles vives


Les paroles vives frappent ainsi que des cailloux pointus lancés sur la chair tendre : elles égratignent le cœur. Elles s’échappent à propos d’un mécontentement, d’un ennui, parce que, les nerfs fatigués ou tendus, nous n’avons pas la force de les retenir. Elles n’expriment la plupart du temps qu’un simple accès de mauvaise humeur, mais les paroles vives ne se surmontent pas. On dirait qu’elles naissent d’une langue de vipère qui n’est pas à nous ; parfois, folles et pressées, elles se multiplient et taillent de petites plaies sur les amitiés.

Aussitôt qu’elles ont pris leur vol, nous les regrettons. Nous voudrions les rattraper. Elles ont révélé des sentiments que nous n’éprouvons pas. La vilaine colère les a poussées de nos lèvres dans l’air sans que le cœur ait pu dire son mot. Il est bon, notre cœur, mais l’impatience un moment a crié si fort qu’elle l’a étouffé.

Le remords suit immédiatement les paroles vives et une impression lourde de tristesse s’abat sur nous, ainsi qu’après une offense irréparable. Nous nous sentons méchants, honteux, nous nous en voulons. À la prochaine occasion cependant,