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COULEUR DU TEMPS

Les raquetteurs zigzaguent, se font un chemin frais sur la neige pure qui ne fut point encore foulée. Avant d’entrer sous les arbres, la nuit leur semblait noire. Ils s’habituent à l’obscurité, qui n’est jamais complète en hiver. Au dessus d’eux, ils distinguent l’oratoire Saint-Joseph. Ils franchissent quelques obstacles, une clôture, une petite voie élevée ; voilà la route battue qui mène au sanctuaire. Et les raquetteurs prétendent qu’ils s’en vont en pèlerinage.

Des escaliers se montent très mal en raquettes. La difficulté rend le chemin plus amusant. Que vont-ils demander à saint Joseph ?

Une exclamation coupe des badinages. La basilique qui était obscure s’illumine. A-t-on entendu venir les pèlerins ? Sur un vitrail se dresse l’ombre facile à reconnaître d’une statue de saint Antoine, et le petit Jésus qu’il porte se silhouette comme s’il appelait de la main.

Mais les raquetteurs doivent se contenter de coller leurs visages curieux aux vitres des portes closes. Ils sont encore là, quand les lumières s’éteignent. Ils s’en retournent : c’était des gens heureux qui n’avaient pas de grâces pressées à solliciter. Ils aperçoivent plus loin l’ancienne chapelle qui ainsi vue sur le fond énorme de la montagne, semble petite comme un jouet.