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Saint Antoine


J’ai toujours aimé saint Antoine. D’aussi loin que je me rappelle mes premières prières, je me souviens de l’avoir invoqué. J’avais eu l’honneur de voir le jour, saine et sauve, le matin de sa fête. En effet, c’était un honneur, si l’on y songe. Chaque fois que mon âge gagnait un chiffre et que maman m’emmenait à l’église appeler sur ma nouvelle dignité les grâces du ciel, je trouvais un autel tout illuminé de lampions scintillants. C’était pour saint Antoine évidemment, mais je m’imaginais qu’il y avait au moins une ou deux lumières pour moi et je priais mieux.

Pourtant, nous eûmes une brouille, saint Antoine et moi. On m’avait appris, de même qu’on vous l’apprit sans doute, qu’il faisait retrouver tous les objets perdus. Je le croyais dur comme roche. Un jour, je perds un petit chapelet de cinq cents, en cristal rouge. Il était neuf, je l’aimais. Il n’était pas encore terni, j’y tenais. Je le cherche sans penser à saint Antoine. Je ne le trouve pas. Je pense à saint Antoine. Je me mets à faire des promesses et des prières. pour la valeur de cent chapelets comme le mien. Et vainement pen-