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COULEUR DU TEMPS

dant deux jours, je fouille toutes les fentes du trottoir de bois, je lève toutes les planches qui veulent se laisser lever, j’écarte tous les brins d’herbe sur ma route. Rien. Saint Antoine est sourd. Je vais m’acheter un autre chapelet, un bleu, et j’oublie que je n’ai pas été exaucée, dans la contemplation de mon trésor neuf qui reluit. Mais en jouant au cerceau, dès le soir, je le perds aussi. C’était à peine si je l’avais fait bénir. Je prie immédiatement saint Antoine avec plus de confiance que jamais. Il n’allait pas être sourd deux fois. Il m’aiderait.

Non. Il ne se dérangea pas, ni cette fois-là, ni une autre plus tard, pour un troisième chapelet en couleur…

Alors, sans que je l’eusse demandé, on me donna un matin, un saint Antoine en plomb, dans une minuscule niche vitrée. Avec cela, je ne perdrais plus rien. Saint Antoine garderait mes bagages. Or voilà ce qu’il advint. J’étais à la ville avec maman. Il avait plu et une toute petite mare d’eau s’étendait au fond du trottoir de pierre. Je veux montrer ma niche à un cousinet. Elle est mêlée avec mon nouveau chapelet, mon canif, mes osselets, et tout le pataclan qui habite ma poche de sœur, en sécurité, à côté de saint Antoine. Je m’embarrasse si bien que j’échappe ma statue dans la mare. Ensuite,