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La jeune fille bien


Elle vient de dire devant moi que la religion, c’est bon, mais qu’il n’en faut pas trop. Elle n’est pas pour les jeunes filles qui vont à la messe tous les matins. C’est exagéré, c’est bigot, cela peut être hypocrite ; c’est sûrement ridicule. Et alors, tout en parlant, car elle parle beaucoup, elle se résume ; et, l’entendant, on pense à une… demi-mesure. Avec elle, il faut la demi-mesure en tout, pour être comme les autres. Une jeune fille ne doit se singulariser ni par une grande piété, ni par une beauté éclatante, ni par un grand talent, ni par une instruction trop étendue ; mais une jeune fille doit, comme elle-même, peindre un peu, comme toutes les jeunes personnes bien, chanter un peu, également comme toutes les jeunes personnes bien, jouer un peu de piano, savoir faire avec une grâce étudiée des diminuendo, puis des crescendo, avoir l’air d’y mettre de l’âme, n’en avoir pas ; elle appelle cela jouer avec sentiment. Une jeune fille bien doit aussi avoir un peu de correspondance, et à cette époque de guerre, un filleul. Elle doit logiquement tricoter, et traîner à sa remorque un grand sac, un beau sac ; et ce beau sac, elle doit l’apporter partout, et l’ouvrir spé-