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COULEUR DU TEMPS

J’entendais soudainement un bruit de moteur exaspéré et geignant. Je me penchais vers la rue. C’était cette automobile fantaisiste, que des jeunes gens se sont fabriquée de je ne sais quelle ancienne machine, et que, prétentieusement, ils ont peinte en blanc. Ayant autrefois été rouge, elle est restée un peu marbrée, mais elle n’en est que plus coquette ! Basse sur roues, elle ressemble à une auto de course qui aurait mangé de la misère et été réparée avec des débris de styles différents. Elle est originale et personnelle ! Aussi, ses propriétaires ne sonnent pas d’une inutile sirène pour aviser le peuple de leur passage. Le moteur, à lui seul, se charge de la publicité et tout le monde se range au bord du trottoir ; et l’on voit des visages égayés où l’on pourrait lire pourtant un grain d’envie ; car tout le monde n’est pas jeune et joyeux comme ces quatre gaillards qui s’entassent sur l’unique siège et se tordent de rire ! C’est la première sortie de leur char, qu’ils ont repeint en neuf dans les loisirs de ces vacances de Pâques, et ils en sont évidemment très fiers. Je dis à mes cousines, venues en courant admirer le chef-d’œuvre : « C’est égal, si je le connaissais, ce Charlot qui le mène, je lui demanderais bien de me faire faire un tour ! »

Ce n’est pas à prix d’or qu’ils l’ont eue, leur machine, ces jeunes gens, c’est à force d’adresse