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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/215

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CHOSE DU MONDE
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sonnière. Jamais libre aux heures fixes qu’elle consacrait au malade, Lucette manquait maintes fois un voyage, une réunion. Elle tentait bien de trouver de la joie dans ce sacrifice. Mais pourquoi ne pas plutôt prévenir Jean et changer son jour ? Quand elle parlait ensuite du contretemps, Jean lui conseillait de téléphoner à une autre occasion, il l’excuserait volontiers. Ému, touché, il en vint pourtant à croire que Lucette préférait ce tendre dévouement. Eût-il mieux valu que la jeune fille se montrât moins scrupuleuse, se soumît avec moins de sévérité aux devoirs qu’elle s’était imposés ? Sa rigueur lui semblait la base solide d’un sentiment qu’elle voulait égal, constant, ferme. Toute sa vie, Lucette aimerait Jean, se dévouerait à Jean ; elle prouverait au monde qu’une femme pouvait être heureuse et utile en dehors du mariage ; elle prouverait à sa marraine que celle-ci s’était trompée.

Du reste, si cette amitié nouvelle d’un autre jeune homme devenait d’une part une source de tourment, de l’autre, elle la tranquillisait : ce n’était qu’une camaraderie saine, nullement sentimentale. Gaston s’était tout d’abord présenté à son studio pour des répétitions. Il aimait beaucoup le chant ; elle l’accompagnait, l’encourageait à travailler. Leurs goûts s’accordaient, et pendant plus d’un an elle le vit régulièrement. Quand