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§ 2. — L’ENSEIGNEMENT DE LA LITTÉRATURE.

L’étude de la littérature se borne, dans les lycées, à des analyses d’auteurs célèbres, dont on ne fait lire à l’élève que de courts fragments, à des étymologies, des exceptions grammaticales et toutes les subtilités qui peuvent germer dans des cervelles de cuistres inoccupés. L’élève saura très bien définir, au moment de l’examen, ce que c’est que la pastourelle, la fatrasie, etc. Il n’aura lu aucun auteur, mais pourra réciter les byzantines discussions des commentateurs sur les grands écrivains. Voici d’ailleurs comment un universitaire distingué, ancien professeur à l’École Normale, M. Fouillée, juge la valeur de l’éducation littéraire de nos lycéens.

Voulez-vous voir maintenant les résultats intellectuels de toutes ces études mnémotechniques ? Qu’on lise les rapports de la Faculté des lettres de Paris sur le baccalauréat. Vous y verrez que les compositions françaises deviennent de plus en plus des compositions de mémoire sur l’histoire littéraire et théâtrale, qu’elles finissent par atteindre chez la masse des élèves un degré d’uniforme médiocrité qui rend presque impossible le classement…

… L’étude de la littérature, telle qu’elle est comprise par les plus lettrés, si elle était poussée à fond, serait une démoralisation de la jeunesse ; heureusement elle est superficielle et au lieu de corrompre le cœur, elle se contente d’hébéter l’intelligence en surchargeant la mémoire[1].

La littérature est à peu près la seule connaissance qui puisse s’enseigner utilement par la lecture des livres, et c’est justement la seule pour laquelle l’Université proscrive l’emploi des livres. On se plaint du lamentable français de la plupart des bacheliers. S’il n’est pas plus lamentable encore, c’est que les élèves lisent un peu en cachette malgré leurs professeurs.

  1. A. Fouillée. L’Échec pédagogique des lettrés et des savants, p. 481.