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PSYCHOLOGIE DES FOULES

qui veut l’entraîner possède la qualité que j’étudierai plus loin sous le nom de prestige.

Mais quand il s’agit de faire pénétrer des idées et des croyances dans l’esprit des foules – les théories sociales modernes, par exemple – les procédés des meneurs sont différents. Ils ont principalement recours à trois procédés très nets : l’affirmation, la répétition, la contagion. L’action en est assez lente, mais les effets de cette action une fois produits sont fort durables.

L’affirmation pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, est un des plus sûrs moyens de faire pénétrer une idée dans l’esprit des foules. Plus l’affirmation est concise, plus elle est dépourvue de toute apparence de preuves et de démonstration, plus elle a d’autorité. Les livres religieux et les codes de tous les âges ont toujours procédé par simple affirmation. Les hommes d’État appelés à défendre une cause politique quelconque, les industriels propageant leurs produits par l’annonce, savent la valeur de l’affirmation.

L’affirmation n’a cependant d’influence réelle qu’à la condition d’être constamment répétée, et, le plus possible, dans les mêmes termes. C’est Napoléon, je crois, qui a dit qu’il n’y a qu’une seule figure sérieuse de rhétorique, la répétition. La chose affirmée arrive, par la répétition, à s’établir dans les esprits au point qu’ils finissent par l’accepter comme une vérité démontrée.

On comprend bien l’influence de la répétition sur les foules, en voyant à quel point elle est puissante sur les esprits les plus éclairés. Cette puissance vient de ce que la chose répétée finit par s’incruster dans ces régions profondes de l’inconscient où s’élaborent les motifs de