Page:Le Bon - Psychologie des foules, Alcan, 1895.djvu/159

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que soient en apparence les intérêts qui les rassemblent. Les tentatives faites par les socialistes pour réunir dans de grands congrès des représentants de la population ouvrière de chaque pays, ont toujours abouti aux plus furieuses discordes. Une foule latine, si révolutionnaire ou si conservatrice qu’on la suppose, fera invariablement appel, pour réaliser ses exigences, à l’intervention de l’État. Elle est toujours centralisatrice et plus ou moins césarienne. Une foule anglaise ou américaine, au contraire, ne connaît pas l’État et ne fait appel qu’à l’initiative privée. Une foule française tient avant tout à l’égalité, et une foule anglaise à la liberté. Ce sont précisément ces différences de races qui font qu’il y a presque autant de formes de socialisme et de démocratie que de nations.

L’âme de la race domine donc entièrement l’âme de la foule. Elle est le substratum puissant qui limite ses oscillations. Considérons comme une loi essentielle que les caractères inférieurs des foules sont d’autant moins accentués que l’âme de la race est plus forte. L’état de foule et la domination des foules, c’est la barbarie ou le retour à la barbarie. C’est en acquérant une âme solidement constituée que la race se soustrait de plus en plus à la puissance irréfléchie des foules et sort de la barbarie.

En dehors de la race, la seule classification importante à faire pour les foules hétérogènes est de les séparer en foules anonymes, comme celles des rues, et en foules non anonymes, ? les assemblées délibérantes et les jurés par exemple. Le sentiment de la responsabilité, nul chez les premières et développé chez les secondes, donne à leurs actes des orientations souvent fort différentes.